La nouvelle polémique de ces dernières semaines autour du « genre » doit être prise très au sérieux.
Soyons d’emblée précis sur les termes utilisés. Il n’existe pas de soi-disant « théorie du genre », mais il existe bien des « études de genre ». Le genre est un concept, un outil pour penser la construction du masculin et du féminin selon le temps et les espaces, et pour combattre les inégalités qui se fondent sur une hiérarchie construite entre le masculin et le féminin. Comme l’expliquent avec raison de nombreux membres de la communauté éducative et universitaire dans un texte intitulé « Les études de genre, la recherche et l’éducation : la bonne rencontre », « on n’est pas homme ou femme de la même manière au Moyen-Age et aujourd’hui. On n’est pas homme ou femme de la même manière en Afrique, en Asie, dans le monde arabe, en Suède, en France ou en Italie. On n’est pas homme ou femme de la même manière selon qu’on est cadre ou ouvrier. Le genre est un outil que les scientifiques utilisent pour penser et analyser ces différences ».
Si ce terme de genre est donc l’objet de tant d’attaques, c’est précisément parce qu’il est un outil formidable pour interroger scientifiquement un système générateur d’inégalités - le patriarcat – auquel certains et certaines s’accrochent au nom de la défense d’un modèle traditionnel dans lequel les femmes sont et doivent rester subordonnées aux hommes. Dans ce système existe un parcours de vie tracé pour les garçons et un parcours de vie tracé pour les filles. Dans ce système, l’amour entre deux personnes de même sexe doit être réprimé et considéré comme une déviance. Enfin dans ce système, les inégalités sont considérées comme normales, voire nécessaires à l’ordre établi sans considérer le prix à payer pour toutes les personnes dont elles entravent la liberté et la construction de soi.
Dans leur entreprise de diabolisation systématique de cet outil d’analyse qu’est le genre et de son corollaire les stéréotypes de sexe qui légitiment les inégalités femmes-hommes, les traditionnalistes de tous poils ont décidé de brandir et d’instrumentaliser la question des enfants.
C’est ainsi qu’ils se sont attaqués le plus bruyamment et efficacement au programme des ABCD de l’égalité en lançant des rumeurs violemment mensongères et en appelant au retrait des enfants des écoles de la République une journée par mois et sans prévenir les établissements. La 1ère journée visée était celle du 27 janvier et qui a eu un écho médiatique retentissant. Si on peut regretter un certain flottement initial dans le vocable utilisé, on doit également saluer la réponse ferme du Gouvernement dans la défense du programme des ABCD de l’égalité. La République assume ses valeurs et ne doit pas reculer face à l’obscurantisme et la manipulation. La raison doit l’emporter sur la peur. Nous serons extrêmement vigilants à ce que l’évaluation du programme des ABCD de l’égalité puisse se dérouler libre de toutes influences, et que l’expérimentation puisse être généralisée dès lors qu’elle répond aux objectifs qui lui ont été fixés, à savoir : « agir dès l’école primaire pour lutter contre la formation des inégalités filles-garçons dès le plus jeune âge, en agissant sur les représentations des élèves et les pratiques des acteurs de l’éducation ».
Enfin, concernant le terme de genre, il doit être défendu pour ce qu’il est : un outil scientifique pertinent pour penser, analyser, et mieux combattre les inégalités. Nul doute que cette séquence aura donné une visibilité inédite à cet outil. L’enjeu est aujourd’hui qu’il soit compris le plus largement possible pour être utile à la connaissance, et à l’action de l’ensemble de la société pour combattre les inégalités entre les sexes.