Dans une tribune
sur Mediapart, publiée le 11 juillet à l’occasion de la journée mondiale de la population, Danielle Bousquet, présidente du Haut Conseil à
l’égalité entre les femmes et les hommes, Catherine Coutelle, présidente
de la Délégation aux droits des femmes, Axelle Lemaire, députée,
encouragent « le gouvernement français à défendre activement l’accès à
la contraception et à l’avortement dans le monde » et à « se doter d’un
ou d’une ambassadrice itinérante pour les droits des femmes ».
Il ne devrait plus être question,
aujourd’hui, de mettre en cause le lien direct qui existe entre la
question démographique, le niveau de développement et le respect des
droits humains, en particulier des droits des femmes. Les recherches et
l’expérience des politiques de développement ont en effet démontré à
quel point l’éducation, l’autonomie dans le choix du partenaire et dans
l’accès à une profession, la liberté d’avoir ou non des enfants comme de
choisir le moment de leur conception sont des facteurs déterminants du
développement économique et social d’un pays.
Créer les conditions de la maîtrise individuelle de la fécondité,
c’est permettre aux femmes de prendre leur destin en mains, de
poursuivre leurs études, de travailler et de s’intégrer dans la sphère
professionnelle en contribuant à l’activité de leur pays. Or le respect
des droits reproductifs des femmes et l’égalité entre les sexes sont une
clé incontournable du développement. On peut donc regretter que le
cercle vertueux population/égalité/développement reste trop peu
identifié et exploré par les décideurs politiques.
La prise en compte de la dimension démographique et de la maîtrise de
la fécondité est d’autant plus nécessaire que les droits des femmes
sont menacés par les intégrismes, la plupart du temps religieux. Il y a
un an, des talibans visaient Malala Yousafzai d’une balle dans la tête,
cherchant à éliminer un symbole du désir de liberté et d’égalité de
centaines de jeunes femmes. La journée mondiale de la population est
consacrée aux adolescentes cette année : elles sont 16 millions, entre
15 et 19 ans, à devenir mères, et les naissances difficiles et
avortements illégaux constituent toujours leur cause principale de
mortalité dans les pays pauvres. En Europe aussi, les droits des femmes à
maîtriser leur corps doivent être défendus. Certains pays du continent
ne reconnaissent pas le droit à l’avortement, d’autres examinent la
perspective de pénaliser à nouveau l’IVG, tandis qu’il est très
fréquent, dans des Etats qui autorisent pourtant l’avortement, de
croiser des médecins arguant de « l’objection de conscience » pour
refuser de pratiquer l’interruption de grossesse. Aux quatre coins du
monde, les fondamentalistes mènent une guerre qui ne dit pas son nom
contre l’émancipation des femmes. Des attentats physiques contre les
femmes au lobbying subtil mais soutenu dans les couloirs du Conseil de
l’Europe ou des instances onusiennes, il y a là la même aversion pour
l’égalité entre les femmes et les hommes.
Cette mise en danger des droits des femmes est préjudiciable pour
toutes les sociétés. L’Histoire de tout pays nous enseigne précisément
que la stabilisation de la croissance démographique est une condition
préalable du développement durable au plan économique, social et humain.
Dans certaines régions du monde, la masse démographique augmente
lourdement et rapidement, dépassant les souhaits des parents et en
premier lieu des mères, les ressources des foyers, les capacités
d’accueil des services publics de santé, d’éducation, de transports,
etc… Les deux causes les plus notables de cette croissance sont
diamétralement opposées, tenant à la fois à des formes de progrès et
d’obscurantisme. Les améliorations de l’offre de services médicaux, de
la sécurité alimentaire et de l’assainissement dans les pays les plus
défavorisés permettent d’offrir à plus d’enfants une espérance de vie
meilleure. Mais le bond démographique s’explique aussi par le refus
assumé de la part des forces conservatrices à l’œuvre dans certains pays
de garantir aux femmes l’accès à leurs droits reproductifs et à la
maîtrise de leur fécondité. Selon l’ONU, plus de 200 millions de femmes
dans les pays en développement désirent, sans le pouvoir, accéder à des
formes libres et informées de planification familiale.
A l’inverse, d’autres zones sont confrontées à une baisse drastique
de la natalité ou au vieillissement de leur population. Le
renouvellement des générations en Allemagne, au Japon, risque de ne pas
être suffisamment assuré pour garantir le financement des besoins en
matière d’éducation, de santé ou de retraites. L’allongement de
l’espérance de vie et le recul de l’âge de la maternité – du fait de
l’extension des études et des carrières professionnelles des femmes –
expliquent en partie le phénomène. Interviennent aussi des facteurs plus
négatifs comme les discriminations salariales à l’encontre des femmes
et le déficit dans les modes d’accueil de jeunes enfants.
A contrario, la hausse du nombre des naissances constatée dans
d’autres pays européens vient témoigner des bénéfices de la mise en
œuvre d’une politique d’égalité entre les femmes et les hommes, et d’une
parentalité attrayante et partagée.
L’émancipation de toutes est une clé majeure pour atteindre les objectifs de population et de développement durables.
La Journée mondiale de la population offre l’occasion d’encourager le
gouvernement français à défendre activement l’accès à la contraception
et à l’avortement dans le monde, à soutenir davantage l’action des
organismes internationaux dédiés à l’agenda de l’égalité comme le Fnuap
et l’Onu Femmes, et enfin à se doter d’un ou d’une ambassadrice
itinérante pour les droits des femmes. Nous attendons de la France
qu’elle poursuive et concrétise avec courage sa nouvelle diplomatie des
droits des femmes. La voix forte de l’autonomisation et de la liberté
doit être entendue dans les couloirs de la diplomatie, et trouver effet
sur les bancs des écoles, dans les maternités et les centres de
planification familiale.