Alors que le « Projet de loi pour une immigration maîtrisée et un droit d’asile effectif » est examiné ce jour par la commission des affaires sociales de l’Assemblée nationale, le Haut Conseil à l’Egalité appelle à mieux prendre en compte la situation des femmes migrantes et demandeuses d’asile, conformément à son Avis relatif à la situation des femmes demandeuses d’asile, remis le 18 décembre 2017 à Jacqueline GOURAULT, ministre auprès de Gérard COLLOMB, ministre de l’Intérieur.
La nouvelle réforme du droit d’asile et de l’immigration proposée par le Gouvernement ne lève pas les craintes pointées par l’Avis. Tout en saluant un certain nombre de mesures destinées à sécuriser le séjour des réfugié.e.s bénéficiaires de la protection subsidiaire et à étendre le droit au séjour pour les frères et sœurs des réfugié.e.s mineur.e.s, le HCE fait les constats et recommandations suivantes :
• Le projet de loi s’attache essentiellement à la réduction des délais dont disposent les demandeur.se.s d’asile pour déposer leur demande (120 à 90 jours pour le dépôt de la demande d’asile ; 1 mois à 15 jours pour le recours devant la Cour Nationale du Droit d’asile), ce qui laisse craindre de nombreuses demandes hors délai ou insuffisamment étayées pour les personnes vulnérables, et notamment les femmes, ne disposant pas de l’accompagnement nécessaire.
→ Le HCE recommande le maintien de délais raisonnables et nécessaires à la mise en œuvre effective du droit d’asile.
• L’orientation des demandeur.se.s d’asile par région ne prévoit pas à ce stade de mesures d’accompagnement et d’hébergement spécifiques pour les femmes
→ Le HCE recommande :
➢ de créer des places d’hébergement en non-mixité dans les Centres d’Accueil de Demandeur.euse.s d’Asile (CADA) pour les femmes isolées, les mineures, et les cheffes de familles monoparentale
➢ d’accélérer la formation aux vulnérabilités des agent.e.s de l’OFII et des CADA, en particulier la détection des signaux de violences, d’exploitation sexuelle ou de traite des êtres humains.
• Le durcissement des critères d’accès à la carte de résidence de plein droit pour les victimes de violences conjugales et familiales (Art. 32) puisqu’outre la condamnation définitive de l’auteur des violences – déjà nécessaire, le droit exigerait également la détention d’une ordonnance de protection, dispositif faiblement développé et inégalement réparti sur le territoire. De plus, les personnes non mariées ou pacsées demeurent exclues de cette disposition.
→ Le HCE recommande :
➢ que la détention d’une ordonnance provisoire ne devienne pas une condition pour l’octroi de plein droit d’une carte de résidence ;
➢ que l’ensemble des victimes de violences conjugales ou familiales soient protégées, qu’elles soient ou non mariées ou pacsées.
• Le conditionnement du titre de séjour pour le parent étranger d’enfant français à la contribution de l’autre parent à l’éducation de l’enfant fait peser une double peine sur les mères victimes de violences ou qui subissent déjà l’abandon par le conjoint/père (Art. 30), étant dans l’impossibilité d’apporter la preuve de la participation du père à l’entretien de l’enfant.
→ Le HCE recommande l’abandon de cette disposition.
• L’absence de disposition permettant de considérer l’engagement politique en faveur des droits des femmes et contre les pratiques néfastes comme motif pour bénéficier du statut de réfugié.
→ Le HCE recommande de reconnaître l’engagement en faveur des droits des femmes et contre les pratiques néfastes (lutte contre les viols comme armes de guerre, contre les mutilations sexuelles féminines, contre les mariages forcés, etc.) comme motif de l’asile.
Le Haut Conseil à l’Egalité escompte que les débats parlementaires puissent contribuer à renforcer le texte, afin de permettre aux femmes – qui représentent un tiers des demandeuses d’asile – d’être pleinement prises en compte dans cette réforme.