Un recul historique des droits des femmes vient de se produire aux États-Unis. Le HCE désapprouve la décision adoptée par la Cour suprême qui abroge l’arrêt Roe vs Wade, parce qu’elle menace le droit à l’avortement, aux Etats-Unis, dans le reste du monde et même en France. Le HCE recommande que l’Europe et la France retrouvent leur souveraineté en matière de production de la pilule abortive.
Les conséquences de cette révocation s’annoncent désastreuses pour les Américaines
L’arrêt Roe vs Wade, adopté en 1973, garantissait aux femmes le droit d’avorter dans l’ensemble du pays. L’annulation de cette jurisprudence qui accordait à ce droit une valeur constitutionnelle donne maintenant aux Etats fédérés la compétence de légiférer sur l’avortement. Or, vingt-six Etats américains disposent aujourd’hui d’une législation hostile voire très hostile à l’IVG ; désormais, ils sont en mesure de mettre un terme au droit à l’avortement et condamner les Américaines à ne plus disposer librement de leur corps.
Aujourd’hui, la santé des femmes est mise en danger ; l’histoire a montré que l’interdiction du droit à l’avortement ne mettait jamais fin à cette pratique, mais la confinait à la clandestinité. L’IVG n’en demeurant pas moins pratiquée, les distances de déplacement vont se multiplier, contraignant les Américaines à se rendre dans un Etat ou un pays voisin pour avorter. Les inégalités d’accès vont s’exacerber avec pour premières victimes les femmes précaires qui représentent près de trois quart des femmes qui ont recours à un avortement aux Etats-Unis. La méthode médicamenteuse, qui avait été rendue récemment plus accessible grâce la prescription de pilule abortive par téléconsultation puis l’envoi par boite postale, pourrait devenir illégale dans les Etats hostiles à l’avortement. Le HCE s’inquiète également des dérives autoritaires qui pourraient accompagner ce durcissement de la législation. Alors qu’une “prime à la délation” existe déjà au Texas, des Américaines alertent de potentiels détournement des données de navigation sur Internet ou celles figurant sur les applications numériques de santé.
Cette décision américaine entraîne des répercussions importantes pour l’ensemble du monde
Elle envoie un signal dangereux qui conforte les partisans des mouvements anti-IVG. Alors que des progrès en faveur du droit à l’avortement se poursuivent dans le monde, en Colombie comme en Espagne par exemple, les mouvements hostiles à l’avortement vont être confortés. 24 Etats dans le monde l’interdisent déjà totalement, tandis que d’autres restreignent sévèrement son accès, incitant les femmes à recourir à des avortements non sécurisés. Ainsi, chaque année, ce sont 47.000 femmes qui meurent des suites d’un avortement clandestin, soit une femme toutes les neuf minutes.
Ce droit fondamental demeure menacé par les courants réactionnaires, qui déploient un travail constant de lobby liberticide, y compris au sein de l’Union européenne, en témoigne la quasi-interdiction de l’avortement en Pologne ; ou en France, au travers d’une forte présence de sites de désinformation qui frôlent le délit d’entrave. Cette décision outre-Atlantique reflète à nouveau combien les droits des femmes ne sont jamais acquis et restent fragiles. Même en France où le droit à l’avortement a été renforcé récemment, une forte minorité s’y est opposée (30 % des votes) et on attend toujours la publication de certains décrets d’application.
Pour se prémunir de toute tentative d’entrave des droits des femmes, le HCE rappelle l’urgence :
Il appelle également à harmoniser les conditions et les délais légaux pour avorter, au sein de l’Union européenne, sur ceux des Etats membres les plus progressistes.
La décision de la Cour suprême peut avoir des conséquences directes en termes de financements et d’accès à l’avortement sur le plan mondial. Des ONG internationales soutenant le droit à l’avortement et à la contraception dans différents pays du monde alertent sur l’éventualité d’un retrait des financements américains pouvant fragiliser voire mettre un terme à leur action. Le HCE rappelle également son inquiétude quant aux dangers d’une production monopolistique de la pilule abortive, concentrée dans les mains d’un laboratoire pharmaceutique : Nordic Pharma, dont une partie conséquente des capitaux est maintenant américaine. Comme cela s’est déjà produit par le passé, l’entreprise acquéreuse pourrait subir des intimidations importantes des mouvements anti-IVG, provoquant ainsi des risques de ruptures de production et d’approvisionnement, ou encore de tensions sur les prix.
Le HCE recommande aux pouvoirs publics de faire retrouver à la France sa souveraineté en matière de production de la pilule abortive (cf. vigilance du 27 mai 2020) en relocalisant la fabrication en Europe et le plus vite possible en France.